Chaque vêtement est un signe linguistique qui nécessite une interprétation de la part d’une cible masculine parfois inculte en la matière. Need help ? Click here.
Les collantsPour une fille, l’arrivée de l’été ou de l’hiver n’a rien à voir avec une histoire d’équinoxe ou de changement d’heure, c’est juste une question de collant. Et ce n’est pas un instant facile à déterminer avec précision. Entre début avril et mi-mai, on frémit, on hésite, on jauge d’abord la température sur nos bras nus, on anticipe le grand saut (Il fait beau aujourd’hui… On aurait - presque - pu sortir sans collant), on demande aux copines (Tu sors sans collants, toi ? ……Ouais, non, moi non plus…), on est tellement frustrées qu’on s’en prend à celles qui osent (T’as vu ? Elle a pas de collant !… Ça doit être une allemande…). Dans cette période floue, on évite carrément les jupes. Parce qu’on a beau avoir porté avec délice des collants tout l’hiver, on découvre soudain que ça gratte, que ça compresse, que ça confine notre liberté individuelle dans 5 grammes de lycra. Avril-mai, c’est la dictature du pantalon léger, de la soie, du sarouel (sérieusement, vous croyez qu’elle viendrait d’où la mode du sarouel sinon ?)(Si vous êtes un homme, vous n’êtes probablement pas au courant, mais cette année, on a inventé pire : le pyjama de ville). Et enfin, un beau jour, on le sent, c’est intuitif, c’est le bon moment : on sort les jambes à l’air. Ça fait bizarre, c’est frais, ça chatouille, c’est comme des bisous de l’air sur nos jambes, ça donne envie de manger des glaces à la framboise et d’être amie avec toutes les filles sans collant de la terre... C’est un pur instant d’harmonie féminine universelle. Il arrive toutefois que notre intuition soit légèrement prématurée et qu’elle ne corresponde pas tout à fait à l’impulsion collective. En passant, on entendra alors deux jeunes femmes en sarouel murmurer : Ça doit être une allemande…
La mini-jupe
Que tous les vêtements aient une signification, on veut bien l’admettre. Le problème de la mini-jupe c’est qu’elle fait souvent l’objet d’un contre-sens. Si on doit donner des chiffres, comme ça, à vue d’œil, disons qu’une fille porte une mini-jupe :
- dans 79% des cas parce qu’elle a envie de porter une mini-jupe,
- dans 16% des cas parce qu’il fait très chaud,
- dans 4% des cas parce que c’est la mode,
- dans 0,007% des cas pour séduire un homme en particulier,
- dans 0,002% des cas parce que c’est une prostituée,
- dans 0,001% des cas parce qu’elle est allergique aux jupes d’une longueur différente et aussi aux pantalons.
Ce qui, comme nous pouvons nous en rendre compte au moyen d’une simple addition, nous laisse zéro pourcentage pour l’interprétation suivante « La fille porte une mini-jupe pour signaler aux passants dans la rue qu’elle a très envie d’engager la discussion avec des inconnus».
Le sweat à capuche
C’est notre vêtement dissuasif pour les lendemains de mini-jupe. Et aussi un hommage à Eminem.
Le jean en 34
On l’a acheté en 1996. On n’envisage pas sérieusement de pouvoir rentrer dedans aujourd’hui, à moins de faire don de l’une de nos deux cuisses à la science et de diviser en deux celle qui reste. Mais on s’en sert comme objet de projection positive. On imagine qu’éventuellement, on pourra peut-être le remettre un jour. Si on va très souvent à la salle de sport, c’est possible. Jeter ce jean, ce serait renoncer à un idéal de soi dans le futur. Donc, on le garde. Par dignité.
Le vêtement de l’ex
Ça peut être n’importe quoi : une chemise, un T-shirt, une chaussette… Ce vêtement a deux sens possibles. Soit, il est la relique d’un amour perdu. On ne peut se résoudre à s’en débarrasser ; on le laisse traîner dans le fond du placard et on tombe dessus de temps en temps, avec une pointe de nostalgie, semblable à celle qui nous pique quand on fait défiler nos archives photos ou quand on écoute une chanson triste. Soit ce vêtement, d’une façon ou d’une autre, fait office de dédommagement (Tu m’as trompée avec ma meilleure amie, mais on est à égalité parce que j’ai gardé tes chaussettes, HAHAHA)
La robe fétiche
C’est la robe qu’on portait le jour où l’on a obtenu le premier prix de baby-foot à la fac et depuis, elle est investie d’un certain pouvoir. Si une situation présente un quelconque enjeu, par exemple un premier RDV galant, ou un entretien d’embauche, on imagine que la robe va nous porter chance. Ce qui, à la limite, peut encore s’expliquer rationnellement : la robe ranime le souvenir d’une victoire et ce souvenir peut stimuler la confiance en soi nécessaire à une nouvelle réussite.
Là où la rationalité se perd, c’est qu’on croit aussi que la robe peut faire arriver des trucs… Si je mets cette robe aujourd’hui, c’est sûr qu’Eddy Mitchell va démissionner et qu’on aura un chef compétent pour le remplacer... Ou alors, je vais croiser Ryan Gosling dans la rue en sortant de chez moi... (ndlr : les noms ont été modifié pour des raisons de confidentialité).
Et s’il s’avère, à la fin de la journée, que la robe n’a pas intimé l’ordre à Ryan Gosling de se balader dans notre rue, ce n’est pas parce qu’elle ne fonctionne pas. C’est parce qu’elle est fatiguée. Il aurait fallu la porter avec un bracelet brésilien pour alimenter son énergie.
Le vêtement de maison
Au début, on achète une tunique en coton, un T-shirt ou un short que l’on envisage de porter dans la rue, devant des gens. Et puis un accident se produit : une tache de javel, un trou… Ou bien l’usure fait son œuvre ; le coton devient rugueux, il se déforme, la couleur passe. Et un beau jour, il faut se rendre à l’évidence : ce vêtement est devenu un pyjama. On pourrait le jeter à la poubelle, bien sûr, mais quelle alternative aurions-nous alors ? Soit acheter de vrais pyjamas (en pilou dans leur version régressive, ou en flanelle dans leur version gériatrique), soit porter des nuisettes. Nota Bene : les rayons des boutiques de lingerie débordent de nuisettes pour appâter la pré-ado, qui tombera dans le piège au moins une fois dans sa vie, avant de réaliser que dormir en nuisette = dormir enroulée dans un filet de pêche. Il reste toujours la possibilité de rester nue à la maison, qui est envisageable si les voisins en vis-à-vis n’ont pas d’enfants en bas âge et pas de crime sexuel à leur actif.
Le vêtement de sport
Le vêtement de sport est tellement beau, tellement doux, tellement assorti à notre couleur de cheveux et coûte tellement 8 millions d’euros, que ça serait un peu dommage de transpirer dedans. Du coup, on va généralement faire du sport en pyjama.
Les baskets
Les baskets sont polysémiques. Vous pouvez déduire de la femme qui les porte, au choix :
- qu’elle ne se plie pas aux diktats de la féminité dictés par les hommes.
- qu’elle est en train de faire un jogging (si elle court, ça peut vous aider dans votre analyse).
- qu’elle est encore au lycée à ce stade de sa vie.
- qu’elle veut casser le style un peu trop apprêté d’un pantalon à pinces, avec une paire de sneakers siglées (coucou le service mode de Grazia).
- qu’elle essaie de se réconcilier avec ses plantes de pieds après une soirée en talons.
Les escarpins
Autant que possible, on évite de les mettre. Parce qu’ils sont trop petits. Et nos pieds n’ont absolument pas gonflé depuis qu’on les achetés : ils étaient déjà trop petits quand on les a achetés. A ceux qui jugent élevé le prix d’une paire d’escarpins jamais portée, nous répondons qu’une expérience susceptible d’ébranler notre perception de la réalité n’a pas de prix. On se souvient qu’on était là, au milieu de la boutique, tournant sur nous-mêmes, face à un miroir qui ne réfléchissait plus que nos incertitudes… Une chaussure doit-elle nécessairement être chaussée pour accomplir sa fonction intrinsèque ? Est-elle soumise à un déterminisme ontologique ? Ne peut-elle pas exister différemment ? Comme objet de décoration d’un placard, par exemple ? … Cette histoire de pointure pour définir un objet, ne serait-ce pas un peu réducteur finalement ?… S’ils n’ont plus de 37 en stock, ne peut-on pas considérer qu’un 35 ferait tout aussi bien l’affaire ?
Le vêtement moche
C’est une énigme vestimentaire. Les témoignages de toutes les victimes concordent, mais personne n’est parvenu à résoudre le mystère à ce jour… Une reconstitution approximative de la scène nous donne ceci. (Soyez attentif, parce qu’il semble qu’un ou plusieurs indices nous aient échappés).
Une femme aperçoit un vêtement en vitrine. Elle le trouve attractif. Elle entre et demande à la vendeuse si elle peut l’essayer. La vendeuse lui tend la pièce. La victime la déploie à bout de bras devant ses yeux et lui attribue toutes sortes de qualités esthétiques. Puis la victime enfile le vêtement et fait un constat positif après s’être admirée dans un miroir. La vendeuse confirme sa déposition : le vêtement lui va bien. La victime acquiert le vêtement par le biais d’une transaction financière légale. La victime rejoint son domicile. La victime passe une soirée tranquille avec un ou plusieurs témoins qui attestent son alibi. La victime va se coucher. Le lendemain, elle s’apprête à porter le vêtement. Elle coupe l’étiquette avant de l’enfiler. Jette par reflexe un coup d’œil dans le miroir avant de quitter son appartement. Et c’est là qu’elle fait le constat suivant : le beau vêtement de la veille est devenu moche.
S’ensuit un épisode d’intense détresse : elle ne peut pas sortir habillée comme ça, et oh mon dieu pourquoi a-t-elle acheté un truc pareil, et comment n’a-t-elle pas vu plus tôt que la longueur de ces manches lui faisaient de gros bras, etc.
La victime, en état de choc, est souvent l’objet d’une deuxième agression : un homme entre dans sa chambre et la trouvant en train de pleurer, lui demande ce qui ne va pas. La victime répond exactement (on n’enregistre aucune variation dans les dépositions) : « Je n’ai rien à me mettre ». L’homme prend alors un air impatient que l’équipe psychologique qualifie d’ « amplificateur de trauma » et s’exclame « Mais ta putain d’armoire est pleine !
». La victime est émotivement trop fragile pour formuler la réponse qui lui vient à l’esprit. Elle agrippe le drap avec ses doigts crispés, remonte ses genoux à hauteur du menton et sanglote la bouche ouverte, sans parvenir à reprendre sa respiration entre deux hoquets. L’homme, attendri, renonce à comprendre.
Comme cet article a une visée pédagogique, nous allons dissiper votre ignorance. On SAIT que l’armoire est pleine. On n’a jamais dit que l’armoire était vide : on a dit qu’on avait rien à se mettre… On peut parfaitement n’avoir rien à se mettre avec une armoire pleine. Vous savez pourquoi ? Parce qu’une armoire peut être pleine de pyjamas, de jeans trop serrés, d’escarpins trop petits, de chaussettes à vous qu’on garde pour au cas où vous coucheriez avec notre meilleure amie et de vêtements qui mochissent pendant la nuit.
source : Grazia.fr
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