samedi 3 mars 2012

Michelle Williams, un an avec Marilyn

L'actrice américaine incarne Marilyn Monroe dans le film “My Week with Marilyn”


Photo Mark Segal

Cette délicate actrice fait siennes la grâce bouleversante et les robes moulantes de la star hollywoodienne dans le film événement My Week with Marilyn (1). Confessions d’une discrète, nommée aux Oscars, à propos d’un rôle intime qui la hante encore.

Août 1962 : Marilyn Monroe, la blonde du XXe siècle, est retrouvée morte dans des circonstances mal élucidées. Soixante ans après, le cinéma se risque à une (ré)incarnation : c’est Michelle Williams, 31 ans, révélée dans Brokeback Mountain, qui a emporté un rôle convoité par toutes, Scarlett Johansson en premier lieu. Un rôle audacieux qui lui a porté chance : elle a empoigné un Golden Globe, et une nomination aux Oscars souligne sa performance. My Week with Marilyn, de Simon Curtis, saisit une semaine dans la vie du sex-symbol : nous sommes en 1956, Monroe – qui vient d’épouser Arthur Miller – tourne Le Prince et la Danseuse à Londres, avec Laurence Olivier, et se lie avec un jeune assistant britannique qui devient son confident. Adapté des mémoires de ce dernier, le film propose un regard intime, drôle et poignant sur Marilyn Monroe. Ce n’est pas au Roosevelt Hotel, sur Sunset Boulevard, où la star de Sept ans de réflexion avait ses habitudes, mais dans une suite du Four Seasons de Beverly Hills que miss Williams défend son rôle.
L’actrice a passé une année dans les escarpins de l’icône hollywoodienne, et pourtant, l’expression « antistar » semble avoir été inventée pour elle. Avec sa coupe « pixie » et ses pommettes haut perchées, elle évoque plutôt la tanagra Jean Seberg. Fan de cinéma européen, elle se dit flattée de la comparaison. Gracile, elle porte une robe fluide à fleurs orange signée Jason Wu, créateur favori d’une autre Michelle (Obama), avec une touche personnelle : une veste en jean marine Wrangler, sortie de son placard. « Un doudou qui ne me quitte pas », s’excuse-t-elle.
(1) My Week with Marilyn, de Simon Curtis. En salles le 4 avril.



Photo DR

“Aujourd’hui, Marilyn est une amie qui me manque”

Madame Figaro. - La reine Élisabeth II avait demandé à Marilyn : « Quelle impression cela fait-il d’être la femme la plus célèbre au monde ? » Et celle de l’interpréter ?
Michelle Williams. – Bizarrement, je ne l’ai jamais perçue comme un sex-symbol inaccessible, même petite fille, quand j’avais un poster d’elle accroché au mur de ma chambre. Je la sentais très proche de moi. Je percevais surtout son naturel, sa lumière, sa candeur. Elle incarnait cette part de fragilité qui existe en nous tous et la transcendait avec une grâce considérable. Son enfance malheureuse, les difficultés qu’elle traversait dans sa vie personnelle n’apparaissent pas à l’écran. Marilyn était un personnage créé avec soin par Norma Jean Baker. Quand elle était Marilyn, elle se donnait à 100 %, avec un plaisir sans bornes. Le plus dur a été de reproduire ce talent particulier.

Vous avez déclaré « avoir essayé de vous convaincre de refuser le rôle » pendant six mois. Pourquoi ?
J’ai fini de lire le scénario et j’ai commencé la préparation le lendemain ! Je savais que j’allais faire ce film. Mais pendant six mois, l’ampleur du travail de préparation me terrifiait. Être à la hauteur des attentes des autres, et des miennes. Mon cerveau me disait tous les jours : « Tu es folle, arrête ! », mais ma petite voix intérieure me répétait que ce rôle était pour moi.

J’ai tout lu, tout regardé, tout appris sur elle. Apprendre à parler comme elle, alors qu’il n’existe que peu d’enregistrements où elle ne joue pas. J’ai répété sa démarche avec une chorégraphe. J’ai pris des kilos... mais seulement dans les joues ! Du coup, je les ai reperdus, et on a triché avec des sous-vêtements rembourrés ! L’imiter, notamment dans les scènes où elle chante et danse, aurait été une erreur : il fallait que je colle seulement à l’esprit. J’ai compris pourquoi elle arrivait en retard si souvent sur les tournages. Elle devait se maquiller, se coiffer, parler, marcher d’une façon qui n’était pas « elle », se mettre en mode d’esprit « Marilyn »... que j’ai dû retrouver aussi.

Vous êtes réputée pour avoir du mal à quitter vos personnages. Encore plus vrai pour celui-ci ?

J’ai passé un an auprès d’elle, plus qu’avec aucun autre rôle. Aujourd’hui, c’est une amie qui me manque, qui aurait déménagé dans un endroit inaccessible. Lire des choses sur elle, en parler, tout me manque.

Marilyn voulait qu’on la prenne au sérieux et tourner plus de drames. Vous, vous les privilégiez : My Blue Valentine, Shutter Island... Va-t-on vous voir dans une comédie ?
Bientôt : dans Oz, The Great and Powerful, de Sam Raimi, adapté du Magicien d’Oz. Je joue la gentille sorcière Glenda, un peu pour faire plaisir à ma fille (Matilda, 6 ans, qu’elle a eu avec l’acteur Heath Ledger, décédé en 2008, NDLR). En ce moment, elle pense que sa maman peut voler ! Cela fait du bien de ne pas rentrer le soir à la maison en pleurant ! Mais on ne me propose que des drames, en général. Et j’ai toujours aimé les films qui parlaient de relations amoureuses, et de leurs difficultés. Ce sont de vrais films d’action : des bombes explosent de partout et la cuisine devient Ground Zero ! Cela reste un grand mystère pour moi, une terre à explorer indéfiniment.



Photo Abaca

“J’ai trouvé ma voix, une assurance que je n’avais pas”

Sur les tapis rouges, vous préférez les robes vintage... D’où vient cette passion ?
Je suis une nostalgique. J’aime les endroits, les objets qui ont une histoire. Les vêtements avec des finitions faites main, quasi invisibles, le soin qui a été apporté à leur création me fascinent. Je vis dans une maison en brique rouge à Brooklyn, avec des petites pièces, à l’opposé des grandes villas hollywoodiennes. J’aime l’idée de vivre avec les âmes qui l’ont habitée avant moi. Je crois que c’est Vladimir Nabokov qui a dit que le génie résidait dans le fait de trouver des liens invisibles entre les choses. Pour moi tout est connecté et a un sens, si l’on est à l’affût. Mais je pense aussi au futur : le recyclage est l’un de mes dadas, on fait des concours à qui aura le moins de déchets, avec mes amis !

Vous élevez votre fille Matilda seule depuis la disparition de son père. Qu’est-ce qui est le plus difficile à vivre ?

Dans les moments de doute, je me dis que j’ai plus de chance qu’elle : des souvenirs, des objets que je peux lui transmettre. Je suis quelqu’un de très pudique et secret. Il se trouve que je fais un métier qui m’expose aux aspects positifs mais aussi négatifs de la célébrité. Ma fille n’a pas à en pâtir. Je m’efforce ainsi de la protéger des paparazzis, je veux préserver son enfance au maximum. Et je choisis mes rôles en fonction du temps que je peux passer avec elle.

Vous avez passé le cap des 30 ans l’an dernier. Quels changements avez-vous notés ?
J’ai trouvé ma voix, une assurance que je n’avais pas. Je n’ai plus peur d’exprimer mes idées. Je me suis émancipée de mes parents à 15 ans, pour ne plus avoir de tuteur et pouvoir travailler autant qu’une adulte. Mais j’ai voulu grandir trop vite. Très timide et trop fière, je n’osais même pas sortir une carte de New York pour m’orienter quand je tournais là-bas. Je préférais marcher dans la mauvaise direction pendant une heure ! Aujourd’hui, je n’ai plus peur d’assumer mes paradoxes et mes incertitudes.

Une dernière chose... Vous avez des origines norvégiennes. Quel rapport entretenez-vous avec cette culture ?
Pendant des années, la seule tradition norvégienne que nous conservions dans la famille était le lefsa, cette crêpe à base de pomme de terre, salée ou sucrée, que l’on cuisinait tous les ans à Noël. Personne ne parlait norvégien à la maison. Et puis, un jour, je discutais avec ma grand-mère Doris, et elle m’a parlé de mon arrière arrière-arrière-grand-mère, Inge Jacobin, qui s’était enfuie à 15 ans, dans la cale d’un bateau pour les États-Unis, était arrivée à Ellis Island et s’était aventurée toute seule dans le Montana dans une carriole. Exactement comme mon personnage de La Dernière Piste (un western, de Kelly Reichardt, NDLR). Exactement comme moi, partie à Hollywood à 15 ans. Ma conquête de l’Ouest en quelque sorte. J’ai compris la force de cet héritage inconscient. Ma soif d’indépendance est certainement d’ordre génétique... 
source: Madame Le Figaro.fr

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