lundi 30 avril 2012

Rencontre avec la comédienne, nouvelle héroïne de Tim Burton dans "Dark Shadows" : Eva Green

Photo Ellen von Unwerth
Eva Green.



C’était écrit... La brune gothique joue aujourd’hui les blondes ensorceleuses chez Tim Burton, aux côtés de Johnny Depp. Un rôle à la mesure de cette actrice somptueuse et trop rare. Pour nous, la sexy sorcière envoûte l’objectif d’Ellen von Unwerth.
Devant l’appareil photo d’Ellen von Unwerth, Eva Green, la brune timide et facilement anxieuse, s’amuse en séductrice blonde platine ultra-sexy : « Ma mère (Marlène Jobert, NDLR) me dit toujours qu’il y a deux personnes en moi, une fille réservée et une autre capable d’extrême, une autre que je ne comprends pas toujours... ». Les deux rassemblées convoquent une jeune femme délicieuse et atypique, au physique exceptionnel et à l’esprit pur. Eva Green échappe à toute tentative de rationalisation. Elle vit à Londres, ne travaille pas en France, mais a su conserver une aura incandescente en dépit d’une sous-exposition délibérée. Loin du système, des clans et des réseaux, Eva, la solitaire, travailleuse obsessionnelle, suit un itinéraire contradictoire et non balisé, fait d’exigences et de doutes. Elle n’a  tourné qu’une dizaine de films en dix ans, dont l’écrasant Casino Royale, qui l’a enfermée dans la  case femme fatale, elle, la personne très privée, qui dit vivre « comme une mémé » et déplore parfois d’être restée « cette enfant qui ne sait pas toujours quoi faire de son corps ». Bien avant que Bernardo Bertolucci la révèle dans Innocents-The Dreamers, Eva Green rappelle aussi avec malice qu’elle apparaissait dans la Pianiste, de Michael Haneke, un non-rôle, une silhouette, la petite amie de Benoît Magimel. Le réalisateur autrichien lui avait signifié qu’elle ne savait même pas monter un escalier : « J’étais désespérée. » Douze ans plus tard, le Graal hollywoodien se présente à elle : dans Dark Shadows, comédie noire, Tim Burton lui a confié le rôle d’Angélique Bouchard, une sorcière immortelle qui poursuit de son obsession amoureuse Barnabas Collins (Johnny Depp en Nosferatu déjanté), un noble qui l’a rejetée en 1752, qu’elle maudit et retrouve deux siècles plus tard en 1972. Personne ne s’étonnera que cette actrice étiquetée gothique croise enfin Tim Burton. Une évidence. Et le début d’une autre histoire pour Eva Green.


Casting express

« J’étais à los angeles pour la promotion de la série TV Camelot, lorsque mon agent m’a signalé que Tim Burton voulait me rencontrer le lendemain. Nous nous sommes vus à trois reprises et, à chaque fois, les rendez-vous ont duré à peine dix minutes. Je suis timide et lui aussi. La première fois, il m’a raconté l’histoire de Dark Shadows. Je l’ai revu deux jours plus tard. Entre-temps, j’avais lu le scénario, drôle, poétique, déjanté, je n’avais pas besoin d’une thèse, j’étais évidemment partante. Je m’attendais à ce qu’il me demande de faire des essais et non, rien du tout. La troisième fois, notre entrevue a été encore plus brève : il m’a juste demandé si je pourrais prendre l’accent américain. Et c’était signé ! Cela a été bouclé super vite et super facilement. Je tiens à préciser que cela ne se passe jamais comme ça ! D’habitude, pour ce genre de superproduction, tout est très politique : vous faites des auditions, des essais, puis on vous fait mariner pendant deux mois sans plus jamais vous donner de nouvelles. »

Sorcière amoureuse

« j’ai travaillé mon accent américain comme une dingue avec ma coach. Je ne faisais plus que ça. C’est très important, à mon sens, de travailler en amont d’un film, d’autant qu’aucune répétition n’était prévue avant le début du tournage et que je savais que je me retrouverai, dès le premier jour, lâchée face à Johnny Depp et à Michelle Pfeiffer que je ne connaissais pas. Trouver un accent, c’est comme enfiler un costume : cela donne une voix et cela aide considérablement pour jouer. Évidemment, je ne dormais plus la nuit, tant j’avais peur de ne pas être à la hauteur. Mais cela s’est merveilleusement bien passé : personne ne m’a virée. (Elle rit.) Tim Burton, qui est la personne la plus gentille du monde, m’a beaucoup rassurée. Il est très à l’écoute et totalement ouvert aux idées des autres : il ne tenait pas la fin du film, nous avons beaucoup discuté ensemble et il a écouté mes suggestions. C’est incroyable ! Mon personnage est démesuré : Angélique, c’est son nom, est une sorcière immortelle qu’on découvre servante au XVIIIe siècle au service de la famille Collins. Elle est amoureuse de son maître (Johnny Depp), qui la rejette. Pour se venger, elle le maudit, le transforme en vampire et l’enterre vivant. Il se réveille deux siècles plus tard, dans les années 70. Angélique est devenue la reine de la ville, une businesswoman blonde platine super populaire. Elle continue de vouloir le posséder, mais il lui résiste. C’est une comédie noire totalement inclassable, qui me permet de jouer un personnage vraiment too much. »


Tout donner

« C’est rarissime de trouver autant de qualités dans un film de grand studio. Mais c’est Tim Burton, il a le final cut (droit de regard sur le montage final), c’est complètement à part. Par goût personnel, ce que j’aime le plus, ce sont les films indépendants, mais ils ont beaucoup souffert de la crise : nombre de projets tombent faute de financement. J’ai beaucoup travaillé, mais la plupart des gens pensent que je n’ai rien fait depuis le James Bond ! Je suis incapable de me forcer : pour accepter un film, j’ai besoin d’y croire ; autrement, j’ai l’impression que je ne saurais pas jouer. Je suis comme ça dans la vie aussi ou dans mes histoires d’amour : je dois tout donner. Je ne sais pas si je ferai ce métier toute ma vie : c’est très éprouvant cette compétition incessante, très douloureux d’être plus facilement rejetée qu’acceptée. Pour mon prochain tournage, je suis allée contre ma nature : j’ai accepté un film d’action. Je vais jouer une guerrière dans 300 : Battle of Artemisia. J’ai accepté parce que c’est un rôle d’homme, très loin de moi. On verra bien. Mon coach sportif m’a prévenue. Il m’a dit : « L’entraînement est si intense qu’en général, les candidates vomissent et s’évanouissent. » Il ne sait pas à qui il a affaire... »

Française incontrolable

« Je me sens extrêmement triste, lorsque je séjourne à Los Angeles. J’ai l’impression qu’on me vide de mon sang. Là-bas, on ne vous considère qu’en fonction de votre succès au box-office et vous êtes jaugée dans le moindre restaurant où immanquablement le serveur vous accueille par « I loved your movie » (J’ai aimé votre film), sans même vous regarder, sans même savoir qui vous êtes, sans même savoir quel film il a aimé. C’est un drôle de monde. Je me souviens par exemple que pour Kingdom of Heaven, de Ridley Scott, j’ai été interdite de promotion sur le sol américain, parce que j’avais osé fumer une cigarette devant un journaliste. Vous imaginez ? On m’a dit que je me comportais en Française incontrôlable et que j’étais pire que Colin Farrell ! (Elle rit.) Personne ne m’a soutenue, à part Liam Neeson, et j’ai dû regagner ma chambre d’hôtel et ne plus en sortir. »

emme fatale

« Je n’ai pas tourné en france depuis Arsène Lupin. J’avais accepté le film parce que je voulais jouer une ingénue, mais c’était une mauvaise idée. Les Français pensent que je les snobe, ce qui est évidemment faux. Je rêve de travailler avec Jacques Audiard ou avec Bertrand Bonello, dont j’ai beaucoup aimé L’Apollonide. Ou encore en Belgique, avec les frères Dardenne. Je crois qu’on continue d’imaginer que je suis une femme fatale, froide, distante et irréelle. C’est sans doute à cause des photos ? Je ne sais pas. Je ne suis pas une fille à la mode et les gens doivent me trouver bizarre. Et puis, je continue d’être cataloguée gothique, parce que je suis brune et que je m’habille parfois en noir. Je ne suis pourtant pas Nina Hagen. (Elle rit.) »

Dark Shadows, de Tim Burton, en salles le 9 mai.
source: Madame le Figaro


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